Les Amis du parc Meadowbrook a écrit au ministre de l’Environnement Benoit Charrette, lui demandant d’intervenir dans un projet qui mettrait à mal l’une des dernières sections encore visibles de l’historique rivière Saint-Pierre qui traverse le terrain de Meadowbrook.
Le cours d’eau est contaminé par des eaux usées provenant du collecteur Toe Blake. Des tests ont démontré que la pollution provient de raccordements inversés dans les villes de Côte-Saint-Luc et de Montréal-Ouest. La Ville de Montréal est au courant du problème depuis 2002 et a fait une étude exhaustive du collecteur en 2014, mais le problème persiste.
Un juge de la Cour Supérieure a ordonné à la Ville de Montréal de cesser de polluer la rivière d’ici la fin de 2019. Pour aller au plus vite, la Ville a décidé de détourner le collecteur par temps sec jusqu’à ce que les raccordements croisés soient corrigés.
Les Amis se dit préoccupé de la solution envisagée. Certes, cela réduirait la pollution, mais cela assécherait la rivière et se ferait au détriment de l’écosystème sur les berges de la rivière. Cela affecterait aussi le système hydrographique puisque la rivière draine le terrain qui inonde au printemps avec la fonte des neiges et les fortes pluies formant des étangs temporaires adoptés par les oiseaux migrateurs comme lieu de ravitaillement.
Les Amis a demandé au ministre s’il n’y avait pas lieu de demander une étude d’impact de la déviation et de forcer les trois municipalités à collaborer pour trouver une solution moins dommageable.
Cinq autres organismes environnementaux ont aussi signé la lettre, le CRE-Montréal y allant de sa propre lettre.
La lettre se trouve ci-bas.
Le 6 mars 2019.
M. Benoit Charette
Ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques
Objet : Demande de certificat d’autorisation pour la déviation du collecteur Toe Blake à Montréal
M. le ministre,
Je suis directrice du groupe environnemental Les Amis du parc Meadowbrook.
Depuis trente ans, notre groupe défend du développement immobilier un terrain de golf de 57 hectares qui se trouve à cheval sur l’arrondissement de Lachine et la ville de Côte-Saint-Luc dans le sud-ouest de Montréal. Le terrain n’est pas propice au développement, étant entouré – et traversé – par des rails de chemin de fer. Notre objectif est d’en faire un parc nature accessible à tous. Nous avons d’ailleurs obtenu la désignation Grand espace vert ou récréatif pour le terrain en 2015 dans le Plan métropolitain d’aménagement durable (PMAD).
Nous sommes préoccupés du sort de la rivière qui traverse ce terrain, un des rares endroits à Montréal où l’on peut encore voir l’historique rivière Saint-Pierre qui coulait autrefois du flanc de la Montagne jusqu’à Verdun et qui a été ensuite raccordée à la petite rivière Saint-Pierre qui, elle, se jette dans le Saint-Laurent à la Pointe-à-Callières, le berceau de la ville de Montréal.
Nous ne voulons en aucun cas que cette rivière soit enfouie ou canalisée : nous aimerions plutôt la voir réhabiliter. Nous avions d’ailleurs applaudi la décision de la Cour supérieure de juin 2018 (dossier 500-17-079150-135, ci-joint) qui forçait la ville de Montréal à cesser de polluer la rivière, mais les choses ne sont jamais si simples.
La Ville de Montréal sait depuis au moins 2002 que le ruisseau est contaminé grâce aux études du Réseau de suivi des milieux aquatiques (RSMA). La pollution provient en fait du collecteur Toe Blake qui va de la Ville de Mont-Royal, traverse les villes de Côte-Saint-Luc, Montréal et Montréal-Ouest pour se déverser sur le golf Meadowbrook à la hauteur du parc Toe Blake dans Montréal-Ouest. Le collecteur est contaminé par des raccordements croisés situés dans les villes de Côte-Saint-Luc et Montréal-Ouest. La Ville de Montréal avait d’ailleurs entrepris en 2014 une analyse très rigoureuse du collecteur, regard par regard (160 prélèvements en tout) et avait repéré 167 raccordements fautifs à Côte-Saint-Luc et 51 à Montréal-Ouest (copie du rapport est ci-joint).
Nous avons travaillé avec la Société pour vaincre la pollution (SVP) qui, à partir de ce rapport, a repéré les secteurs où se trouveraient les raccordements inversés de même que les adresses des propriétés touchées. Nous avons remis ces adresses aux trois municipalités concernées.
Nous avons plaidé auprès des villes de Montréal, Côte-Saint-Luc et Montréal -Ouest, de même qu’à l’Agglomération, mais n’avons obtenu que des réponses partielles. Après des tests de fumée, la ville de Côte-Saint-Luc n’aurait rien trouvé (!) tandis qu’après des tests de rhodamine, la ville de Montréal-Ouest aurait réglé neuf cas de raccordement croisé et réorienterait ses efforts de réfection des rues à l’avenir vers les rues où se trouverait le plus grand nombre de raccordements problématiques. Ne pourrait-on pas à tout le moins reprendre l’échantillonnage de l’étude du collecteur Toe Blake dans les secteurs les plus polluants afin de savoir une fois pour toutes ce qu’il en retourne ?
Pour faire vite –la Cour supérieure a donné à la Ville de Montréal jusqu’à la fin de 2019 pour stopper la pollution –Montréal a décidé de détourner le collecteur Toe Blake en amont de la rivière, de manière temporaire à ce que l’on nous dit, jusqu’à ce que les raccordements croisés soient corrigés.
Le fait de détourner ainsi le collecteur par temps sec nous préoccupe à plusieurs titres. Il réduit à n’en pas douter la pollution du cours d’eau, mais entrainerait cependant l’assèchement de la rivière pendant ces périodes, privée qu’elle serait de son alimentation. Une telle mesure causerait des dommages importants à la flore riveraine qui s’est implantée depuis que le propriétaire a cessé de tondre la pelouse jusqu’au bord de l’eau. Il y a plus cependant : c’est tout le système hydrographique qui serait affecté, puisque la rivière draine le terrain qui inonde au printemps, à la grande joie des oiseaux migrateurs qui en ont fait un arrêt dans leur périple annuel. Avouez qu’un tel spectacle n’est pas banal en pleine ville de Montréal. En vertu de l’article 31.34 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), ne pourrait-on pas demander des études sur l’impact d’une telle déviation? Le ministère ne pourrait-il pas aussi en vertu de l’article 31.33 de cette même loi forcer les trois municipalités concernées à se concerter pour trouver une solution moins dommageable?
De nombreux autres groupes environnementaux et communautaires appuient notre démarche comme vous pouvez le constater aux signatures qui accompagnent cette lettre. Nous voulons tous sauver la rivière, la tendance voulant que les villes rouvrent les cours d’eau enfouis par le passé afin d’alléger les problèmes de surverse et la facture de traitement des eaux (voir notre article http://lesamisdemeadowbrook.org/uncategorized-fr/daylighting-les-rivieres/?lang=fr)
Nous vous remercions de prendre en considération nos inquiétudes et nous en remettons à votre bon jugement pour empêcher la perte de l’un des derniers tronçons encore visibles de la rivière Saint-Pierre.
Veuillez agréer, monsieur le ministre, nos sentiments les plus distingués
Louise Legault, directrice, Les Amis du parc Meadowbrook
Daniel Green, président, Société pour vaincre la pollution
Georges Hébert, STOP
Lisa Mintz, présidente, Les amis du parc Angrignon et Sauvons la Falaise
Gareth Richardson, président, Coalition Verte
Jonathan Théorêt, directeur, Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME)
cc Madame Valérie Plante, maire de Montréal
M. Luc Ferrandez, responsable des Grands parcs, des Espaces verts et des Grands projets, Ville de Montréal
Maire Mitchell Brownstein, Côte-Saint-Luc
Maire Benny Masella, Montréal-Ouest