par Sally Cole
« Ils sont nombreux à penser que la nature urbaine, c’est bien, c’est joli, une prime en quelque sorte. En fait, la nature urbaine est essentielle à notre santé mentale et physique, »
— Professeur Carly Ziter, écologiste urbaine, Université Concordia. [1]
La baignade en forêt est une pratique reconnue par le programme de santé national du Japon. Appelée shinrin-yoku, cette pratique se veut une période consciente passée sous la canopée des arbres pour la santé et le bien-être. Les arbres et les plantes relâchent des phytoncides, des composés organiques volatils qui les aident à lutter contre les insectes et les maladies et qui émettent des huiles essentielles antimicrobiennes avec des propriétés médicinales. La baignade en forêt est en fait une forme d’aromathérapie. Le fait de respirer l’air en forêt stimule le système immunitaire, réduit la pression sanguine et le niveau de cortisol en plus d’améliorer la concentration et la mémoire. La marche en forêt réduit la dépression. Des neuroscientifiques ont trouvé que l’activité métabolique dans le cortex préfrontal ventromédian – la partie du cerveau qui est active lorsqu’une personne est triste – baisse lors d’une marche en forêt. Une marche sur les rues de la ville n’offre pas les mêmes effets positifs.
Le Dr Qing Li, président de la société de médecine de la forêt au Japon et auteur de The Art and Science of Forest Bathing, considère la baignade en forêt comme « une médecine préventive. » Ses conseils pour une marche sous les arbres consistent en « Oubliez votre téléphone et votre appareil photo. Vous marchez sans but et lentement. Vous n’avez pas besoin d’appareils. Laissez votre corps vous guider. »
En Angleterre, le mouvement d’« ordonnance sociale » prend de l’ampleur. Le National Health Service (NHS) reconnait d’ailleurs une gamme de thérapies et d’activités non médicales que les docteurs peuvent prescrire à leurs patients pour leur bien-être. Ces pratiques comprennent le jardinage, le bénévolat et la cuisine. Le Woodland Trust et d’autres groupes citoyens cherchent à faire ajouter la baignade en forêt à la liste du NHS.
Au Danemark, les écoliers fréquentent des écoles en forêt depuis les années 1950. Dans son livre Last Child in the Woods, l’auteur Richard Louv fait un lien entre le nombre croissant d’enfants présentant des problèmes de santé comme le trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention (ADHD) et l’accès restreint à la nature en milieu urbain et même en banlieue. L’enseignement sous les arbres présente des avantages psychologiques importants pour les enfants et le mouvement des écoles en forêt prend une ampleur mondiale.
Se connecter aux arbres
Une forêt mature saine est en fait un réseau de connectivité. « Les arbres sont des êtres sociaux. La forêt est un réseau social », de dire l’Allemand Peter Wohllben dans son best-seller The Hidden Life of Trees. Passer du temps avec des arbres sains nous permet de participer à leur riche vie sociale.
Les arbres sont reliés entre eux par des réseaux mycorhiziens. Les extrémités des racines des arbres prennent la forme de filaments fins un peu comme des cheveux qui sont reliés entre eux par des filaments fongiques microscopiques qui forment les chaines de base de ce réseau. Ils relient presque tous les arbres de la forêt. Ces champignons consomment environ 30 % des sucres que les arbres transforment par photosynthèse à partir de la lumière du soleil. Alimentés par ces sucres, ces champignons absorbent l’azote, le phosphore et d’autres minéraux présents dans le sol et partagent ces nutriments avec les arbres à travers leurs racines. Les réseaux mycorhiziens pourraient apporter aux arbres et aux plantes jusqu’à 40 % de l’azote et 50 % de l’eau dont ils ont besoin pour survivre. Les arbres peuvent partager entre eux de 10 % à 40 % du carbone qu’ils emmagasinent dans leurs racines. Avec les années, le réseau mycorhizien d’un arbre multiplie les connexions fongiques et se développe en profondeur dans le sol. Les arbres matures et de plus grande taille aux racines profondes prélèvent de l’eau et font circuler des nutriments aux arbres plus jeunes et plus faibles. Des réseaux de coopération entre les espèces aident à l’adaptation aux stress environnementaux et aux conditions changeantes.
Grâce à ces réseaux mycorhiziens, les arbres transmettent du carbone non seulement aux arbres qui font partie du même système radiculaire, mais aussi à des espèces « compagnes ». Les cèdres et les érables forment des réseaux de partage des nutriments, tout comme les pruches et les sapins. L’Arboretum Morgan de l’Université McGill conserve une érablière à sucre saine, un réseau d’arbres composé de frênes, de caryers et de tilleuls qui poussent entre les érables à sucre.
Les arbres ont évolué de façon « à aider leurs voisins », selon le professeur d’écologie forestière Suzanne Simard, de l’Université de Colombie-Britannique et auteur du bestseller, Finding the Mother Tree. Lorsque les arbres plus âgés et plus grands sont abattus, le taux de survie des arbres plus jeunes est réduit. Les arbres vivent plus longtemps et se reproduisent mieux dans une forêt saine aux réseaux mycorhiziens souterrains stables. Suzanne Simard décrit les forêts anciennes comme des « sociétés anciennes et élaborées » d’arbres, de sous-bois, de champignons et de microbes qui communiquent entre eux en symbiose, la santé de tous dépendant de l’un et de l’autre.
Baignade en forêt à Meadowbrook
À travers le monde, les citoyens demandent à leur administration municipale et aux urbanistes de protéger les arbres et d’augmenter l’accessibilité aux espaces verts en zone urbaine. Les effets positifs de la conservation des arbres et des plantes offrent une façon simple et rentable d’améliorer la qualité de vie et la santé des populations urbaines – et donc la résilience des villes elles-mêmes.
La Ville de Montréal prévoit planter 500 000 arbres d’ici 2035 afin d’augmenter sa canopée de 25 %. Les espaces ouverts de Meadowbrook offrent à la ville une belle occasion d’ajouter à des érables argentés, des ormes d’Amérique et des tilleuls centenaires et de renaturaliser cet espace vert de 57 hectares tout en augmentant la biodiversité de notre ville.
Les arbres matures de Meadowbrook sont indigènes à la forêt des Grands-Lacs et du Saint-Laurent et offrent des sites de nidification pour les canards, des aires de repos pour les oiseaux migrateurs et des tanières pour les écureuils, les ratons laveurs et autres petits mammifères. D’autres espèces indigènes comme le chêne à gros fruits, le cerisier tardif, le bois de fer, le caryer cordiforme et le caryer ovale poussent le long des voies de chemin de fer qui encerclent Meadowbrook. On y retrouve aussi des espèces naturalisées au Canada comme l’érable de Norvège, l’orme de Sibérie et le saule. La renaturalisation de Meadowbrook permettrait de planter d’autres espèces indigènes comme le cornouiller, la viorne, l’aubépine et le sureau blanc qui produisent de petits fruits comestibles pour les oiseaux et la faune.
En rehaussant les réseaux et la connectivité des arbres de Meadowbrook, nous créerons un espace public accessible aux Montréalais qui pourront ainsi pratiquer la baignade en forêt !
Références:
[1] Hoag, Hannah. This is Your Brain on Trees. Globe and Mail. 17 avril 2021