par Sally Cole
La pelouse est une invention de la noblesse terrienne anglaise qui vivait dans le climat brumeux et humide des îles britanniques. Les pelouses ont proliféré au Canada avec le développement massif des banlieues dans les années 1950 et 1960 [1]. Cependant, les pelouses ne conviennent pas à la plupart des écozones nord-américaines. Les engrais, les pesticides et les arrosages fréquents sont nécessaires pour garder le gazon vert. Et l’entretien des pelouses entraîne le bruit et la pollution des tondeuses à gazon. Il est illusoire de penser que, parce que les pelouses sont vertes, elles sont en quelque sorte naturelles et n’ont pas d’effets négatifs sur les espaces qu’elles occupent.
Les scientifiques ont découvert que les pelouses produisent en fait de la chaleur. Les pelouses produisent plus de gaz à effet de serre qu’elles n’en absorbent. Les urbanistes appellent les pelouses des « îlots de chaleur ». Les espaces verts composés de pelouse sont 20 % plus chauds que les espaces verts comportant une diversité de végétation, d’arbres, de ruisseaux et de zones humides. Les planificateurs d’espaces verts urbains ont déterminé que les « infrastructures naturelles » de Montréal sont principalement constituées de pelouses. Ils exhortent la ville à renaturaliser ses espaces verts afin de l’aider à s’adapter aux changements climatiques et au réchauffement de la planète. [2]
Une pelouse nord-américaine typique est composée d’un seul type d’herbe. Il s’agit d’une monoculture : elle ne fournit pas un écosystème biodiversifié permettant à un réseau d’espèces de flore et de faune de se soutenir mutuellement et de créer un sol sain. La renaturalisation remplace les pelouses en plantant une diversité de plantes, de graminées, d’arbustes et d’arbres. L’augmentation de la biodiversité de l’infrastructure naturelle permettrait non seulement de réduire la production de chaleur dans la région du Grand Montréal, mais aussi d’améliorer la qualité de l’air, de contrôler les inondations et d’offrir des espaces récréatifs pour la santé physique et mentale des citoyens.
Témoignages de jardiniers qui ont renaturalisé leurs pelouses
Cherchant à accroître la biodiversité dans les espaces verts de la ville, Toronto plante des jardins pour pollinisateurs dans les parcs municipaux et a mis en place un programme offrant des subventions de 5 000 $ pour créer des jardins pour pollinisateurs. Nina-Marie Lister, directrice de l’Ecological Design Lab de l’université Ryerson, a renaturalisé sa pelouse avant à Toronto avec plus de 100 espèces d’arbres, d’arbustes et de plantes indigènes (dont l’asclépiade, l’eupatoire, la rudbeckie tardive, le bouton d’or, le myosotis et le chénopode blanc). Le professeur Lister décrit les plantes de son jardin comme « travaillant fort » pour créer « le chant des oiseaux, le chant des grillons, la pollinisation et l’habitat pour un large éventail d’espèces – notre jardin rend de nombreux services au voisinage », dit-elle. Le jardin retient les eaux de pluie, contrôle le ruissellement, fournit un habitat à une variété d’oiseaux et d’insectes à risque comme les papillons monarques, des maisons pour les grenouilles, les lapins et les tamias, un terrain d’apprentissage pour les groupes d’écoliers et un répit pour les passants qui aiment s’asseoir et se détendre sur les rondins et respirer l’air parfumé. [3]
Christian Messier, professeur d’écologie forestière à l’UQAM, a renaturalisé son jardin et sa pelouse à Lachine et offre quelques conseils aux Montréalais. Il nous rappelle que nous vivons dans une écozone de forêt tempérée composée d’arbres à feuilles caduques. Avant la colonisation européenne, la terre était une forêt diversifiée de caryers, de chênes et d’érables. Il conseille de choisir des plantes vivaces, des fougères feuillues et des arbustes indigènes qui auraient poussé à l’origine dans cette écozone et qui offriront des fleurs colorées au fil des saisons :
Au printemps : trilles, sureau, violettes, cornouiller nain, pâturin des prés, cerisier de Virginie, petit prêcheur.
En été : la tiarelle, l’actée rouge, les framboises, le faux sceau de Salomon et plusieurs espèces de fougères, dont l’osmonde de Clayton.
À la fin de l’été et au début de l’automne : la vergerette du Canada et les asters.
En automne : « Laissez tomber les feuilles ! », conseille le professeur Messier. Plutôt que de ratisser les feuilles, « je préfère lire un livre », plaisante-t-il. Les feuilles d’automne fournissent des nutriments au sol. En se décomposant, elles stockent le carbone dans les plantes et réapprovisionnent le sol tout en réduisant la quantité de carbone dans l’air. « Dans l’herbe, le carbone n’existe que dans les 5 premiers centimètres ; dans le sol de la forêt, il y a plus d’un mètre de carbone », explique-t-il. Et au printemps, les plantes vont pousser à travers les feuilles. »
Jardinier extraordinaire, David Somers a aidé de nombreux résidents de NDG à renaturaliser leurs pelouses. « Ma joie est de détruire les pelouses et de les replanter avec des plantes indigènes (et autres) », dit-il. [5]
Voici ses cinq plantes indigènes préférées pour les jardins de Montréal :
À l’ombre : la capillaire, l’anémone et le raisin sauvage du Canada (pour la couverture du sol).
Au soleil : Le phlox et l’aster d’automne, plantés en massifs.
David Somers avoue un faible pour la grande molène : « Elle n’est pas indigène, mais a été introduite avec la colonisation il y a des siècles et est toujours considérée comme une mauvaise herbe. Elle ne passe pas inaperçue lorsqu’elle est bien placée dans un jardin. C’est une plante bisannuelle velue qui peut atteindre 2 m de haut ou plus. »
Références :
[1] https://www.cnn.com/style/article/lawns-american-yard-us/index.html
voir aussi The American Lawn (1999), sous la direction de Georges Teyssot. Publié lors de l’exposition éponyme du Centre canadien d’architecture en 1998 conjointement avec Princeton Architectural Press.
[2] La Fin du gazon : Où et comment complexifier les espaces verts du Grand Montréal pour s’adapter aux changements globaux ? Fondation David Suzuki. 2018
[4] https://montrealgazette.com/life/urban-expressions/how-his-garden-grows
[5] correspondance de l’auteur avec David Somers, 4 févr. 2021 et 5 mars2021