Remettre la nature au centre de la ville

    Les amis du parc Meadowbrook a participé avec dix autres groupes environnementaux* à la création d’un nouveau collectif : le Collectif en connectivité du sud-ouest de Montréal.

    Les membres du Collectif ont tout d’abord tenu des kiosques d’information lors de divers événements dans le sud-ouest de Montréal : la Cyclovia, le 21 aout, l’inauguration citoyenne de la bande verte le 17 septembre ainsi qu’au parc des Rapides le 24 septembre.

    Sauvez la falaise lors de l’inauguration de la Bande Verte

    Collectif en connectivité du sud-ouest de Montréal.

    Les Amis du parc Meadowbrook au Parc des Rapides

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ils ont aussi déposé un mémoire  et fait une présentation orale à l’Office de consultation publique de Montréal lors de la consultation Réflexion 2050 de la Ville de Montréal en pensant que les propositions pour le sud-ouest de la ville valent aussi pour le reste du territoire montréalais.

    Le Collectif a constaté que les axes de connectivité existants étaient orientés est-ouest et qu’il manquait des axes nord-sud, une constatation qui vaut pour le reste du territoire. Le collectif a appelé à la réalisation de la dalle-parc au-dessus de l’échangeur Turcot afin de remédier à cette situation. Il a aussi identifié de nombreuses barrières à la mobilité pour en arriver à la conclusion que d’ici 2050, il faut deux fois plus de nature en ville afin de répondre aux besoins de déplacement et de santé physique et mentale de la population ainsi qu’à la perte de biodiversité et aux changements climatiques. Pour ce faire, la Ville devrait favoriser les infrastructures vertes et l’agriculture urbaine et augmenter le pourcentage d’espaces verts protégés au-delà du 10 % visé en incluant la biodiversité et la mobilité dans tout projet de développement et d’infrastructure et en encourageant les propriétaires privés à verdir leurs espaces.

    * Collectif en connectivité du sud-ouest de Montréal : Amis des parcs, Demain Verdun, Éco-quartier Sud-Ouest, GRAME, Héritage laurentien, Les amis du corridor vert d’Hydro-Québec à Montréal-Ouest, Les amis du parc Angrignon, Maison de l’environnement de Verdun, Sauvons la falaise, UrbaNature Éducation, Les amis du parc Meadowbrook.

     

    Vidéos pertinentes de Patrick Barnard: 2022 et…2010

    Mars 2010 – il y a 12 ans, l’idée faisait déjà son chemin!

    Pimento Report / Le Piment #019 – Patrick Asch: The Montreal Greenway

    Un environnementaliste montréalais discute du concept de corridor vert. L’importance stratégique de Meadowbrook (en anglais).

     

    Septembre 2022

    Pimento Report / Le Piment #160: L’Inauguration citoyenne de la bande verte!

    La bande verte à la Dalle-Parc!  (bilingue)

     

    Des arbres sains, une population saine

    par Sally Cole

     

    « Ils sont nombreux à penser que la nature urbaine, c’est bien, c’est joli, une prime en quelque sorte. En fait, la nature urbaine est essentielle à notre santé mentale et physique, »

    — Professeur Carly Ziter, écologiste urbaine, Université Concordia. [1]

     

     

    La baignade en forêt est une pratique reconnue par le programme de santé national du Japon. Appelée shinrin-yoku, cette pratique se veut une période consciente passée sous la canopée des arbres pour la santé et le bien-être. Les arbres et les plantes relâchent des phytoncides, des composés organiques volatils qui les aident à lutter contre les insectes et les maladies et qui émettent des huiles essentielles antimicrobiennes avec des propriétés médicinales. La baignade en forêt est en fait une forme d’aromathérapie. Le fait de respirer l’air en forêt stimule le système immunitaire, réduit la pression sanguine et le niveau de cortisol en plus d’améliorer la concentration et la mémoire. La marche en forêt réduit la dépression. Des neuroscientifiques ont trouvé que l’activité métabolique dans le cortex préfrontal ventromédian – la partie du cerveau qui est active lorsqu’une personne est triste – baisse lors d’une marche en forêt. Une marche sur les rues de la ville n’offre pas les mêmes effets positifs.

     

    Le Dr Qing Li, président de la société de médecine de la forêt au Japon et auteur de The Art and Science of Forest Bathing, considère la baignade en forêt comme « une médecine préventive. »  Ses conseils pour une marche sous les arbres consistent en « Oubliez votre téléphone et votre appareil photo. Vous marchez sans but et lentement. Vous n’avez pas besoin d’appareils. Laissez votre corps vous guider. »

     

    En Angleterre, le mouvement d’« ordonnance sociale » prend de l’ampleur. Le National Health Service (NHS) reconnait d’ailleurs une gamme de thérapies et d’activités non médicales que les docteurs peuvent prescrire à leurs patients pour leur bien-être. Ces pratiques comprennent le jardinage, le bénévolat et la cuisine. Le Woodland Trust et d’autres groupes citoyens cherchent à faire ajouter la baignade en forêt à la liste du NHS.

     

    Au Danemark, les écoliers fréquentent des écoles en forêt depuis les années 1950. Dans son livre Last Child in the Woods, l’auteur Richard Louv fait un lien entre le nombre croissant d’enfants présentant des problèmes de santé comme le trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention (ADHD) et l’accès restreint à la nature en milieu urbain et même en banlieue. L’enseignement sous les arbres présente des avantages psychologiques importants pour les enfants et le mouvement des écoles en forêt prend une ampleur mondiale.

    Quelques moments de détente sous les arbres du sommet Westmount

     

    Se connecter aux arbres

    Une forêt mature saine est en fait un réseau de connectivité. « Les arbres sont des êtres sociaux. La forêt est un réseau social », de dire l’Allemand Peter Wohllben dans son best-seller The Hidden Life of Trees. Passer du temps avec des arbres sains nous permet de participer à leur riche vie sociale.

     

    Les arbres sont reliés entre eux par des réseaux mycorhiziens. Les extrémités des racines des arbres prennent la forme de filaments fins un peu comme des cheveux qui sont reliés entre eux par des filaments fongiques microscopiques qui forment les chaines de base de ce réseau. Ils relient presque tous les arbres de la forêt. Ces champignons consomment environ 30 % des sucres que les arbres transforment par photosynthèse à partir de la lumière du soleil. Alimentés par ces sucres, ces champignons absorbent l’azote, le phosphore et d’autres minéraux présents dans le sol et partagent ces nutriments avec les arbres à travers leurs racines. Les réseaux mycorhiziens pourraient apporter aux arbres et aux plantes jusqu’à 40 % de l’azote et 50 % de l’eau dont ils ont besoin pour survivre. Les arbres peuvent partager entre eux de 10 % à 40 % du carbone qu’ils emmagasinent dans leurs racines. Avec les années, le réseau mycorhizien d’un arbre multiplie les connexions fongiques et se développe en profondeur dans le sol. Les arbres matures et de plus grande taille aux racines profondes prélèvent de l’eau et font circuler des nutriments aux arbres plus jeunes et plus faibles. Des réseaux de coopération entre les espèces aident à l’adaptation aux stress environnementaux et aux conditions changeantes.

     

    Grâce à ces réseaux mycorhiziens, les arbres transmettent du carbone non seulement aux arbres qui font partie du même système radiculaire, mais aussi à des espèces « compagnes ». Les cèdres et les érables forment des réseaux de partage des nutriments, tout comme les pruches et les sapins. L’Arboretum Morgan de l’Université McGill conserve une érablière à sucre saine, un réseau d’arbres composé de frênes, de caryers et de tilleuls qui poussent entre les érables à sucre.

     

    Les arbres ont évolué de façon « à aider leurs voisins », selon le professeur d’écologie forestière Suzanne Simard, de l’Université de Colombie-Britannique et auteur du bestseller, Finding the Mother Tree. Lorsque les arbres plus âgés et plus grands sont abattus, le taux de survie des arbres plus jeunes est réduit. Les arbres vivent plus longtemps et se reproduisent mieux dans une forêt saine aux réseaux mycorhiziens souterrains stables. Suzanne Simard décrit les forêts anciennes comme des « sociétés anciennes et élaborées » d’arbres, de sous-bois, de champignons et de microbes qui communiquent entre eux en symbiose, la santé de tous dépendant de l’un et de l’autre.

     

     

    Baignade en forêt à Meadowbrook

    À travers le monde, les citoyens demandent à leur administration municipale et aux urbanistes de protéger les arbres et d’augmenter l’accessibilité aux espaces verts en zone urbaine. Les effets positifs de la conservation des arbres et des plantes offrent une façon simple et rentable d’améliorer la qualité de vie et la santé des populations urbaines – et donc la résilience des villes elles-mêmes.

     

    La Ville de Montréal prévoit planter 500 000 arbres d’ici 2035 afin d’augmenter sa canopée de 25 %. Les espaces ouverts de Meadowbrook offrent à la ville une belle occasion d’ajouter à des érables argentés, des ormes d’Amérique et des tilleuls centenaires et de renaturaliser cet espace vert de 57 hectares tout en augmentant la biodiversité de notre ville.

     

    Les arbres matures de Meadowbrook sont indigènes à la forêt des Grands-Lacs et du Saint-Laurent et offrent des sites de nidification pour les canards, des aires de repos pour les oiseaux migrateurs et des tanières pour les écureuils, les ratons laveurs et autres petits mammifères. D’autres espèces indigènes comme le chêne à gros fruits, le cerisier tardif, le bois de fer, le caryer cordiforme et le caryer ovale poussent le long des voies de chemin de fer qui encerclent Meadowbrook. On y retrouve aussi des espèces naturalisées au Canada comme l’érable de Norvège, l’orme de Sibérie et le saule. La renaturalisation de Meadowbrook permettrait de planter d’autres espèces indigènes comme le cornouiller, la viorne, l’aubépine et le sureau blanc qui produisent de petits fruits comestibles pour les oiseaux et la faune.

     

    En rehaussant les réseaux et la connectivité des arbres de Meadowbrook, nous créerons un espace public accessible aux Montréalais qui pourront ainsi pratiquer la baignade en forêt !

     

    Références:

    [1] Hoag, Hannah. This is Your Brain on Trees.  Globe and Mail. 17 avril 2021

     

    Adieu à la pelouse

    par Sally Cole

     

    La pelouse est une invention de la noblesse terrienne anglaise qui vivait dans le climat brumeux et humide des îles britanniques. Les pelouses ont proliféré au Canada avec le développement massif des banlieues dans les années 1950 et 1960 [1]. Cependant, les pelouses ne conviennent pas à la plupart des écozones nord-américaines. Les engrais, les pesticides et les arrosages fréquents sont nécessaires pour garder le gazon vert. Et l’entretien des pelouses entraîne le bruit et la pollution des tondeuses à gazon. Il est illusoire de penser que, parce que les pelouses sont vertes, elles sont en quelque sorte naturelles et n’ont pas d’effets négatifs sur les espaces qu’elles occupent.

    Les scientifiques ont découvert que les pelouses produisent en fait de la chaleur. Les pelouses produisent plus de gaz à effet de serre qu’elles n’en absorbent. Les urbanistes appellent les pelouses des « îlots de chaleur ». Les espaces verts composés de pelouse sont 20 % plus chauds que les espaces verts comportant une diversité de végétation, d’arbres, de ruisseaux et de zones humides. Les planificateurs d’espaces verts urbains ont déterminé que les « infrastructures naturelles » de Montréal sont principalement constituées de pelouses. Ils exhortent la ville à renaturaliser ses espaces verts afin de l’aider à s’adapter aux changements climatiques et au réchauffement de la planète. [2]

    Une pelouse nord-américaine typique est composée d’un seul type d’herbe. Il s’agit d’une monoculture : elle ne fournit pas un écosystème biodiversifié permettant à un réseau d’espèces de flore et de faune de se soutenir mutuellement et de créer un sol sain. La renaturalisation remplace les pelouses en plantant une diversité de plantes, de graminées, d’arbustes et d’arbres. L’augmentation de la biodiversité de l’infrastructure naturelle permettrait non seulement de réduire la production de chaleur dans la région du Grand Montréal, mais aussi d’améliorer la qualité de l’air, de contrôler les inondations et d’offrir des espaces récréatifs pour la santé physique et mentale des citoyens.

     

    Témoignages de jardiniers qui ont renaturalisé leurs pelouses  

    Cette pelouse renaturalisée dans l’ouest de NDG comporte beaucoup d’asclépiade.

     

    Cherchant à accroître la biodiversité dans les espaces verts de la ville, Toronto plante des jardins pour pollinisateurs dans les parcs municipaux et a mis en place un programme offrant des subventions de 5 000 $ pour créer des jardins pour pollinisateurs. Nina-Marie Lister, directrice de l’Ecological Design Lab de l’université Ryerson, a renaturalisé sa pelouse avant à Toronto avec plus de 100 espèces d’arbres, d’arbustes et de plantes indigènes (dont l’asclépiade, l’eupatoire, la rudbeckie tardive, le bouton d’or, le myosotis et le chénopode blanc). Le professeur Lister décrit les plantes de son jardin comme « travaillant fort » pour créer  « le chant des oiseaux, le chant des grillons, la pollinisation et l’habitat pour un large éventail d’espèces – notre jardin rend de nombreux services au voisinage », dit-elle. Le jardin retient les eaux de pluie, contrôle le ruissellement, fournit un habitat à une variété d’oiseaux et d’insectes à risque comme les papillons monarques, des maisons pour les grenouilles, les lapins et les tamias, un terrain d’apprentissage pour les groupes d’écoliers et un répit pour les passants qui aiment s’asseoir et se détendre sur les rondins et respirer l’air parfumé. [3]

     

    Christian Messier, professeur d’écologie forestière à l’UQAM, a renaturalisé son jardin et sa pelouse à Lachine et offre quelques conseils aux Montréalais. Il nous rappelle que nous vivons dans une écozone de forêt tempérée composée d’arbres à feuilles caduques. Avant la colonisation européenne, la terre était une forêt diversifiée de caryers, de chênes et d’érables. Il conseille de choisir des plantes vivaces, des fougères feuillues et des arbustes indigènes qui auraient poussé à l’origine dans cette écozone et qui offriront des fleurs colorées au fil des saisons :

    Au printemps : trilles, sureau, violettes, cornouiller nain, pâturin des prés, cerisier de Virginie, petit prêcheur.

    En été : la tiarelle, l’actée rouge, les framboises, le faux sceau de Salomon et plusieurs espèces de fougères, dont l’osmonde de Clayton.

    À la fin de l’été et au début de l’automne : la vergerette du Canada et les asters.

    En automne : « Laissez tomber les feuilles ! », conseille le professeur Messier. Plutôt que de ratisser les feuilles, « je préfère lire un livre », plaisante-t-il. Les feuilles d’automne fournissent des nutriments au sol. En se décomposant, elles stockent le carbone dans les plantes et réapprovisionnent le sol tout en réduisant la quantité de carbone dans l’air. « Dans l’herbe, le carbone n’existe que dans les 5 premiers centimètres ; dans le sol de la forêt, il y a plus d’un mètre de carbone », explique-t-il. Et au printemps, les plantes vont pousser à travers les feuilles. »

    Jardinier extraordinaire, David Somers a aidé de nombreux résidents de NDG à renaturaliser leurs pelouses. « Ma joie est de détruire les pelouses et de les replanter avec des plantes indigènes (et autres) », dit-il. [5]

    Voici ses cinq plantes indigènes préférées pour les jardins de Montréal :

    À l’ombre : la capillaire, l’anémone et le raisin sauvage du Canada (pour la couverture du sol).

    Au soleil : Le phlox et l’aster d’automne, plantés en massifs.

    David Somers avoue un faible pour la grande molène : « Elle n’est pas indigène, mais a été introduite avec la colonisation il y a des siècles et est toujours considérée comme une mauvaise herbe. Elle ne passe pas inaperçue lorsqu’elle est bien placée dans un jardin. C’est une plante bisannuelle velue qui peut atteindre 2 m de haut ou plus. »

    Un petit coin ensoleillé de la cour de l’école Elizabeth Ballantyne à Montréal-Ouest a été transformé en habitat pour la faune.

    Références :

    [1] https://www.cnn.com/style/article/lawns-american-yard-us/index.html

    voir aussi The American Lawn (1999), sous la direction de Georges Teyssot. Publié lors de l’exposition éponyme du Centre canadien d’architecture en 1998 conjointement avec Princeton Architectural Press.

    [2] La Fin du gazon : Où et comment complexifier les espaces verts du Grand Montréal pour s’adapter aux changements globaux ? Fondation David Suzuki. 2018

    [3] https://www.theglobeandmail.com/canada/toronto/article-ecologists-wild-garden-is-a-challenge-to-lawn-order/.

    [4] https://montrealgazette.com/life/urban-expressions/how-his-garden-grows

    [5] correspondance de l’auteur avec David Somers, 4 févr. 2021 et 5 mars2021